
L’architecture de terre serait-elle en train de retrouver un nouveau dynamisme ? C’est ce que l’on peut espérer avec l’organisation du congrès international sur l’architecture de terre en Afrique du Nord qui a eu lieu à Marrakech du 6 au 9 octobre 2015, sous le thème « Tradition et nouvelles perspectives d’habiter » et organisé par la faculté des sciences Semlalia au sein de l’université Cadi Ayyad.
Depuis près de dix mille ans, l’être humain fait usage des matériaux disponibles pour construire des abris protecteurs. Ces matériaux naturels ont été utilisés avec une constante amélioration des techniques et, par conséquent, des architectures. Suite à la rupture de cette longue évolution causée par la systématisation de l’usage des matériaux industrialisés, les systèmes constructifs vernaculaires ont subi le désintéressement des acteurs de la construction. C’est seulement grâce à l’existence de ces patrimoines qu’un regain d’intérêt est constaté depuis quelques années pour ces techniques et matériaux dits «anciens». En effet, vu leurs qualités écologiques, socio-économiques, sanitaires, culturelles, ainsi que les aspects de confort qui leurs sont propres, ils sont redevenus un choix rationnel dans l’acte de bâtir.
Parmi ces matériaux et techniques, la construction en terre est emblématique par sa richesse, notamment de par sa technique phare en Afrique du Nord, le pisé (tabout, louh, tabia, etc), reconnu comme l’un des systèmes constructifs les plus anciens et les plus répandus au monde. A cette technique traditionnelle s’ajoute l’adobe et plus récemment la brique de terre comprimée. Aujourd’hui, 30 % de la population mondiale vit dans un habitat en terre. Cet héritage à forte valeur symbolique est porteur de solutions écologiques et durables à la crise du logement. Cette rencontre a pour objectif de créer une dynamique entre les différents intervenants, afin d’étudier le matériau terre avec l’objectivité des moyens scientifiques disponibles et avec une solide évaluation de ses potentialités dans l’avenir.
Cette manifestation multidisciplinaire, qui réunit des experts et des chercheurs de différentes spécialités, des professionnels, des artisans, des architectes, des maîtres d’ouvrages, a exposé et débattu divers problèmes, aussi bien fondamentaux que techniques. Elle a été l’occasion d’assister à des ateliers pratiques mettant en évidence différentes thématiques de la construction en pisé. Les professionnels participants à ce congrès ont discuté des différentes thématiques concernant la conservation du patrimoine en terre crue et son utilisation soutenable dans l’architecture contemporaine. Sept axes de recherche ont ainsi, été débattus :
1. Caractérisation des matériaux et de leurs formes de détérioration pour la conservation des bâtiments en terre,
2. Restauration et conservation des architectures en terre,
3. La terre dans l’architecture contemporaine,
4. Problématiques techniques de la construction en terre,
5. Nouvelles réglementations de la construction en terre,
6. Nouvelles architectures en terre,
7. Terre et développement soutenable.
Il est ressorti de ce congrès qu’il existe un foisonnement d’idées et de pratiques, aussi bien dans les lieux académiques de recherche que dans les agences privées d’architecture ou encore chez les entrepreneurs qui ont fait de l’architecture de terre leur combat quotidien.
Mais malheureusement, au Maroc, ces expériences multiples et diverses ne se croisent que très rarement.
Après les euphoriques années 60 et 70, le Maroc, autrefois pionnier dans l’architecture de terre, se retrouve aujourd’hui dépassé par des pays où la recherche et l’expérimentation ont su tirer profit de leurs synergies communes. Aussi, espérons-nous que les formidables et riches rencontres qui ont été générées par le CIAT soient les prémices d’un réel partage des savoirs et des pratiques de l’architecture de terre.
La rédaction
Paru dans CDM Chantiers du Maroc – n°135 – Janvier 2016